Lancé dans une quête du beau et du bon, Emmanuel Clauzel, propriétaire du nouveau Domaine UMA a transformé les vignobles et leur chai avec l’aide d’un cabinet d’architecture très inspiré.
Les anciens Châteaux Cambon et Valcyre sont réunis aujourd’hui pour créer le domaine UMA. Un travail unique de rénovation des chais a été révélé au mois de juin dernier.
C’est le cabinet d’architecture Clausel-Borel qui a imaginé avec le propriétaire ce lieu à la fois théâtral, très contemporain et plus efficient. Le projet porte, en premier lieu, sur la mise en valeur du site et de son bâti historique, témoin de l’histoire de la région. Le chai est composé de 40 cuves, chacune correspond à une parcelle. Le travail de l’architecte et de la designer lumière a permis de créer du lien entre les deux chais existants et de définir un espace à la fois très technique et de réception.
Rencontre avec Florence Clausel-Borel, architecte et maître d’œuvre du nouveau chai UMA
Quelle était la volonté du nouveau propriétaire ?
Le domaine UMA est un lieu à l’environnement exceptionnel, de par ses vignes et garrigues à perte de vues, il fait face aux montagnes de l’Hortus et du Pic Saint-Loup, au château de Montferrand et à la chapelle d’Aleyrac, ancienne carrière d’où sont issues les pierres du domaine. La volonté du nouveau propriétaire fut caractérisé en premier lieu par le respect de l’existant et sa (re)mise en valeur. En effet, lors de notre arrivée sur le site, les murs en pierre étaient entièrement enduits de béton, empêchant la respiration des matériaux naturels, ainsi notre première démarche fut d’enlever cette couche de béton pour retrouver la pierre apparente et la rénover à l’aide de matériaux biologiques.
Dans un domaine vinicole, le chai représente le cœur, la raison d’être du lieu, son antre. Il était également important pour Emmanuel Clausel de penser ce chai comme une exposition des outils, des savoir-faire et des métiers voués à la production du vin. L’escalier hélicoïdal, situé face à l’entrée des acteurs du chai, est posé comme une sculpture et vient créer la liaison entre la scène du rez-de-chaussée et les passerelles. Autour de cet escalier central, nous avons réparti les cuves selon une double courbe afin d’offrir des espaces se dilatant où les cuves inox et béton seraient mises en valeur tel des totems.
Quelles ont été vos contraintes ?
La rénovation implique de se confronter à l’existant et de faire avec les contraintes existantes. Dans le chai, la plus grande contrainte fut d’établir l’altimétrie et l’épaisseur de la passerelle. En effet, la passerelle se devait d’être au-dessus du niveau haut de la porte d’entrée, mais elle devait également être pensée pour être accessible depuis les espaces laboratoire et bar à vins, ayant tous deux une altimétrie différente et étant situés de part et d’autre du chai. À ces contraintes altimétriques, de nombreux réseaux devaient passer dans l’épaisseur de la passerelle pour atteindre l’arrière des cuves. Ainsi, les espaces techniques, véritables coulisses du chai, viennent être dissimulés dans la passerelle et derrière les cuves du chai de vinification, renfermant les nombreux outils nécessaires au processus de vinification.
La recherche de matériaux nouveaux pour la partie technique semble avoir été importante, pouvez-vous nous en parler ?
L’ambiance polychromique souhaitée est chaude et naturelle, pierre, bois, cuves en inox teinté dans des camaïeux de cuivres, bruns et corten viennent s’entremêler au matériau technique et caractéristique d’un chai qu’est l’acier inoxydable. Le fait de travailler dans un chai implique de respecter certaines contraintes dans la recherche des matériaux, puisque ceux-ci doivent être adaptés à une forte hygrométrie et doivent être résistants car l’utilisation de produits à base de soude est fréquente dans un chai, d’où l’utilisation de l’acier inoxydable. Nous avons longuement travaillé à trouver une teinte cuivrée et un aspect corten à partir de ce matériau qu’est l’acier inoxydable. Pour des questions acoustiques, prédominantes dans un chai, nous avons fait le choix d’un faux-plafond en lames de bois lasuré et vernis.
Comment la partie “lumière” a été abordée ?
Nous avons souhaité créer, avec l’agence Concepto, une expérience quasi scénographique, où le chai tout en répondant à ses nécessités techniques, soit aussi un espace où l’on met en scène la préparation du vin. L’éclairage intérieur met l’accent sur l’enveloppe architecturale et la richesse des matérialités. Chaque modénature de l’espace est soulignée : les murs en pierre, le revêtement bois en sous face de toiture, les fermes, les cuves en inox et en béton. Un éclairage rasant, situé dans des gorges au droit des murs latéraux, vient accentuer la perspective depuis la salle de dégustation vers le laboratoire, afin de concentrer le regard des visiteurs vers l’origine du process de vinification. Cet effet focalisant est accompagné d’une sculpture lumineuse composée de ligne suspendues, formant une ondulation évanescente depuis l’escalier central vers le laboratoire. Plusieurs variations de couleurs ponctuent les temporalités différentes du chai : d’un éclairage technique vers un éclairage décoratif coloré qui scénographie l’espace.
Quelques mots sur le site de dégustation et sa terrasse ?
Cette pièce suspendue, telle une loge vitrée, véritable écrin dédié à la dégustation du vin, offre à voir à sa clientèle le spectacle du chai et du laboratoire, véritable régie de l’œnologue Karen Turner. De cet espace de dégustation, est observé un cadrage cinétique par une grande ouverture en arc de cercle sur le Pic Saint Loup et l’Hortus. En extension de cet espace, à l’extérieur cette fois, la terrasse du pic donne à voir le cadre exceptionnel du domaine. Lieu baigné d’une lumière chatoyante, toujours changeante qui révèle à chaque fois ce paysage sous un nouvel angle. S’ajoute à cela les différentes saisons, ses couleurs, qui permettent ainsi une lecture toujours enchanteresse tout en étant à chaque fois différente. On est ici dans lieu hors du temps, loin de l’agitation de la ville, entouré par ce paysage magnifique.
