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Itinérances fleuries 

Texte : Isabelle Aubailly

Le printemps s’installe en Lubéron, c’est l’occasion de découvrir deux lieux iconiques qui peuvent changer notre façon de voir les couleurs et l’élégance de cette région.

Les autochtones prononcent « Lubeuron », alors accordons leur de bien connaître leur région et leur histoire, bannissons cet accent sur le «e». Le Lubéron est un parc naturel régional situé dans le sud-est de la France dans la région ensoleillée et accueillante de la Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les sites incontournables sont nombreux, variés et présentent de façon contemporaine ce qui fait l’histoire du Lubéron et de sa région. Une multitude de villages tantôt perchés, tantôt lovés dans un paysage de vignes, de chênes blancs ou d’oliviers, offrent des vues splendides. 

On pense à la Toscane avec ses collines plantées de vignes et d’oliviers et ses cyprès qui découpent le paysage à l’infini. Le ciel est bleu et le soleil enjolive les villages de pierres blondes perchés au sommet des collines. Au printemps les coquelicots colorent les champs et les bordures. Les moutons agitent leurs clochettes et se régalent de fleurs et d’herbes fraîches.

Une Provence très chic qui abrite des mas rénovés, des tables étoilées, des hôtels artistiques. 

Le Phébus, maison authentique et très élégante avec une vue unique sur les paysages vallonnés du Lubéron.

On arrive en fin de journée pour découvrir ce mas en pierres sèches posé sur un site classé monument historique. Le ciel lavé par des torrents de pluie a retrouvé ses couleurs et nous dévoile dans cette fin de journée un éclat rosé. Au loin la vallée et les contreforts du massif de Lubéron découvrent un paysage apaisant, unique. Notre chambre éloignée du bâtiment principal fait partie d’un ensemble de jolies maisons aux murs de pierres et à l’élégance intérieure classique et raffinée. Une large baie-vitrée révèle une terrasse privative et une piscine naturelle aux mosaïques émeraude. Les différentes chambres et suites sont disséminées dans la nature environnante autour du mas principal. Il reste quelques heures avant le dîner alors nous nous dirigeons vers le Spa situé à côté du jardin potager. 

Au passage nous grapillons quelques cerises et admirons les fleurs de courgette et les premières tomates qui rougissent. L’accueil charmant et les nombreuses installations nous offrent un long bain dans la piscine intérieure, une douche revigorante sensorielle, un hammam et un bain suédois dans le jardin. Douceurs et senteurs poudrées accompagnent ces instants de détente totale. 

Maquillage léger et jolis souliers, il est l’heure de découvrir la Table de Xavier Mathieu, étoilé au Guide Michelin. C’est le père de Xavier qui est à l’origine du projet et qui a acquis dans le début des années 80 les sept hectares sur lesquels ils vont bâtir cette propriété en pierre sèche, sur des vestiges du XIe siècle qui datent de « la Commanderie Templière de Joucas ». 

Xavier découvre la cuisine, adolescent, aux côtés de leurs voisins, Roger et Denise Vergé, propriétaires du Moulin de Mougins, trois étoiles Michelin à l’époque. Après sa formation en alternance à l’École Hôtelière d’Avignon, tout en faisant un passage inoubliable à Paris, chez Joël Robuchon, la cuisine révèle le meilleur de Xavier. Il enchaîne les belles maisons avant de reprendre, seul, les rênes du Phébus. 

Aujourd’hui, ce sont 30 chambres et suites regroupées autour du spa, du restaurant gastronomique, du Café de la Fontaine, du jardin potager…

Notre table fait face au spectacle du coucher de soleil, les derniers rayons se diluent sur le haut des collines et la lune s’installe au-dessus des nuages. L’instant permet de découvrir la salle, joliment décorée et les convives venus, comme nous, vivre des émotions culinaires dans ce petit coin caché de Provence.

Le Chef a imaginé un menu aux parfums et couleurs de la saison, nous nous laissons guider.

Le jeune sommelier, Alexandre, nous propose un accord avec les plats sélectionnés par Xavier Mathieu, une sélection des vins de la région en Côtes du Rhône ou Châteauneuf du Pape, sans oublier les incontournables Bordeaux et Bourgogne. Il va même nous proposer en milieu de dîner de découvrir à l’aveugle un vin rouge, le jeu est intéressant et très instructif.

Des bouchées de plaisir végétariennes pour accompagner notre apéritif et les dernières lueurs du ciel disparaissent pour découvrir les oliviers joliment éclairés et les premières étoiles. Un tian fondant et son crumble d’olives, une tourte provençale aux asperges, oseille, cresson et mélisse, une Raïte provençale (morue et sériole aux poireaux), un homard bleu et riz noir de Camargue, les plats se succèdent et mettent en valeur la connaissance parfaite des cuissons, des saveurs de légumes oubliés et de plantes odorantes. Le Chef sublime les produits de sa Provence et partage avec générosité et talent son interprétation d’anciennes recettes provençales. On adore le shooter de pression glacé au basilic, citron et absinthe, une pause avant l’agneau des Alpilles et le dessert.

Souvenir ému du soufflé chaud à l’hydromel et sa crème glacée au miel de lavande, un dernier goût de Provence avant de retrouver les fauteuils confortables du salon et d’écouter Xavier nous conter les belles histoires de sa cuisine. Xavier Mathieu aime s’entourer de nombreux petits fournisseurs de proximité avec qui il a une grande complicité. Il choisit ses producteurs près de chez lui, en pleine nature : l’agneau vient des Alpilles, le cochon du Ventoux, le poisson est pêché dans la Sorgue. Il aime également piocher dans son potager où les herbes, les légumes et les fruits lui dictent son menu. 

Au matin, le soleil brille et c’est une magnifique journée de printemps qui démarre. Le vent léger et les températures clémentes me permettent d’imaginer un premier bain. L’eau fraiche de la piscine est un pur bonheur. On se balade dans les jardins, on découvre les ruches, avant de retrouver le Café de la Fontaine, le bistrot du Chef installé sous la tonnelle près de la grande piscine. Une authentique fontaine distille un joli bruit d’eau et permet aux abeilles de venir se désaltérer. Repas léger avec une bourride de cabillaud délicieuse et un entremet au citron et verveine du jardin. Il nous faut reprendre la route et abandonner ce lieu charmant pour partir à notre tour à la découverte des villages perchés. 

De Gordes à Roussillon, la route est belle. Oliviers, cyprès, lavandes, coquelicots se mélangent et créent des tableaux colorés dans cette lumière tant racontée par Jean Giono. C’est une terre convoitée depuis la fin de la seconde guerre mondiale et ses villages ont accueilli de nombreuses personnalités. On peut découvrir entre les murs du château de Gordes les peintures de Vasarely et Nicolas de Staël.

La lumière si belle en toute saison a attiré ces artistes et offert à la région une renommée incroyable. Sur la place principale de Gordes les cafés sont encore désertés mais dans les ruelles escarpées et dans la belle église Saint-Firmin les touristes admirent la beauté du site. 

Roussillon dévoile lui ses murs terre brûlée, rouge brique et ses ruelles dans le soleil de fin de journée. Nous découvrons le sentier des ocres aménagé dans les anciennes carrières à ciel ouvert. L’ocre est un pigment minéral d’origine naturelle, et si les couleurs offertes par le sentier sont si resplendissantes, c’est en raison de l’oxyde de fer injecté dans le sable des falaises. Instant magique, des cheminées de fées jaune et terre de sienne lancent leur sommet vers le ciel bleu. Le vert des pins parasols créent un contraste grandiose dans ce panorama surprenant. 

On se croirait vraiment au Colorado… des pigments plein les yeux nous reprenons la route vers Saint-Saturnin-les-Apt.

Le Domaine des Andéols, maison artistique et refuge exclusif où l’art et le design se déclinent  avec beaucoup de talent dedans et dehors.

Deux géants de Corten et un incroyable portail de branches statufiées nous ouvrent la porte du Domaine des Andéols.

Le charme opère dès les premières minutes. Nous remontons lentement le chemin en admirant une rangée de buis taillés en arc de cercle, un lac et son immense saule pleureur, un jardin japonisant. Par une galerie de bambous, nous empruntons le sentier qui mène à notre suite-nature. Elle se fond dans le paysage et l’on aperçoit seulement la baie-vitrée qui ouvre sur le jardin. Toute en longueur, la lumière naturelle entre par une fenêtre de toit et la baie. Les lignes pures du mobilier et du sol laqué contrastent avec la chaleur du bois des hauts placards. L’ultra-design fait face à l’exubérance des bambous. On prend sa douche en admirant la nature et on s’endort la fenêtre ouverte pour mieux entendre le concert amoureux des grenouilles.

Le Domaine appartient et a été imaginé par Olivier Masart et sa femme Patrizia. C’est encore une très belle histoire de famille. Olivier est né et a grandi sur ces terres provençales, le domaine de son grand-père. Parti très jeune en pension puis à Paris pour devenir reporter-photographe, il va vivre « une vie de rêve » en créant un nouveau métier, celui de metteur en scène de la mode et du show-business. Il va vivre auprès des plus grands couturiers et concevoir pour eux défilés de mode, anniversaires, cérémonies d’ouverture, concerts. En 2015, il ouvre le Domaine au tourisme, et découvre le hameau de son grand-père rénové, des suites contemporaines en pleine nature, un restaurant gastronomique et un parc immense où la nature est reine. 

Après une rapide baignade dans la piscine à débordement habillée d’inox, nous nous posons quelques minutes dans le jaccuzzi face au jardin. D’immenses lits de plage ornés de couleurs primaires côtoient les fauteuils AA disséminés sur la pelouse verte. Les couleurs en cette fin de journée ont un éclat plus vif et on s’amuse à découvrir dans chaque coin de jardin une œuvre d’art, une sculpture. Le soleil se couche il est temps d’entrer dans le M, le nouveau bar du domaine. Décor arty, élégant, le mobilier, les livres d’art et luminaires se mélangent dans une joyeuse ambiance colorée où on vous servira des cocktails signature élaborés avec soin. 

Le nouveau chef Vincenzo Regine nous accueille dans le restaurant gastronomique où l’impressionnante fresque murale réalisée par Jean-Charles de Castelbajac raconte l’histoire d’amour d’Olivier et Patrizia, les propriétaires. Dès le départ on aime ces couleurs primaires, les tables, chaises de designers de renom, les livres multiples qui habillent les étagères, les assiettes de porcelaine de Muriel Grateau, des œuvres d’art à portée de main. Vincenzo nous a préparé son menu de saison et les vins qui les accompagnent, tous de la région.

L’entrée en matière est spectaculaire, des amuse-bouche légers, croquants, emplis de saveurs. Vincenzo a vingt ans d’expérience dans la restauration de luxe dont la Chèvre d’Or et le Domaine de Verchant. Mais là, aujourd’hui, il est seul maître à bord. La suite est délicieuse, simple mais efficace car les jus, les mélanges de sucré et de salé sont bien maîtrisés. Le bar de ligne aux fenouils croustillants et artichauts violets est cuit à la perfection, on aime le goût du poisson frais et des légumes juste saisis. Enfin le citron de Provence meringué et le cacao feuilleté terminent le dîner sur des saveurs sucrées très envolées. La nuit est douce, la chouette hulotte lance son petit cri et les grenouilles se taisent, il est tard.

Au matin, nous partons découvrir les 34 hectares du domaine dont le hameau, origine de la propriété du grand-père d’Olivier. Les maisons indépendantes parfaitement restaurées ont le charme rustique de la pierre de la région. Mobilier design, œuvres d’art accrochées aux murs, couleurs vives ou blanc immaculé, influence tropicale ou pureté monacale, chaque maison, à travers sa décoration et l’atmosphère qui s’en dégage, reflète une inspiration différente. La plus ancienne, la Maison Blanche est une maison typique sur 3 étages dont les planchers ont été supprimés pour offrir une hauteur sous plafond de 10 mètres. La décoration intérieure est surprenante avec ses superbes pièces design signées Philippe Stark ou Pucci de Rossi. Le blanc est un écrin pour les peintures abstraites et photographies. 

La maison du Voyageur a été imaginée par Olivier pour mettre en valeur l’Afrique et son artisanat : murs en terre et paille, mobilier typique en bois, palmier et décoration ethnique. Si toutes ont un jardin avec vue, trois d’entre elles ont chacune leur propre piscine qui se déverse en cascade dans la piscine principale du Domaine. 

Nous traversons le parc pour aller admirer le platane multi-centenaire avec sa terrasse perchée, témoin de l’histoire des lieux. Il aurait plus de 300 ans et sa ramure est extraordinaire. En été, on peut grimper et boire un verre en admirant les jardins. C’est le lieu des anniversaires, des mariages. Le Domaine des Andéols est un refuge exclusif, chaque habitation est différente, raconte une histoire singulière, mise en scène autour du design et de l’Art Contemporain. 

Après un déjeuner sur la terrasse et une dégustation des plats méditerranéens, nous quittons le Domaine pour continuer notre découverte du Lubéron. Sur la route en retournant vers Gordes, au fond de la vallée, les moines se sont installés il y a des centaines d’années. C’est l’abbaye cistercienne de Sénanque qui accueille les visiteurs et découvre son architecture pure et des jardins uniques, notamment lors de la floraison des lavandes. 

La visite accompagnée est indispensable pour mieux comprendre l’austérité du lieu et l’histoire de cet ordre qui perdure depuis le XIIe siècle. Une architecture romane aux lignes douces et pures, aux proportions humaines. Sobre et dépouillée, où l’invisible devient visible, où rien ne détourne le moine de sa prière. Nous suivons un guide vrai, drôle et empli de bienveillance. Les hauts murs de style roman, les arches du parloir, les vitraux contemporains et le cloître confirment la beauté de ce lieu. Au dehors les lavandes ne sont pas encore en fleurs mais les jardins entretenus mettent en valeur les murs de pierre et le toit de lauze, un monument à part, bien loin du tumulte du monde. 

Mes adresses pour cette balade en Lubéron :

Le Phébus 

Route de Murs 84 220 Joucas-Gordes 

www.lephebus.com

Le Domaine des Andéols 

84490 Saint-Saturnin-lès-Apt 

www.andeols.com

L’Abbaye Notre Dame de Sénanque 

Un monastère cistercien en activité. Situé à Gordes, 

découvrez ce monument extraordinaire, ses champs 

de Lavande et sa boutique.

Le Sentier des Ocres à Roussillon  

Promenez-vous sur le sentier des Ocres de Roussillon, aménagé dans d’anciennes carrières ; émerveillez-vous de ses couleurs éclatantes, de ses paysages insolites.

Le Château de Gordes

www.chateaudegordes.com 

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