
Texte : Isabelle Aubailly
© Photos : @aurélienaumond
Complexité d’un exercice nouveau pour Camille et Maya, la construction d’une villa et ses dépendances dans l’esprit d’une bâtisse ancienne au cœur très contemporain. Lignes, formes, matières, couleurs créent un univers à forte résonance.

C’est une villa rare. Au cœur du village de Montferrier-sur-Lez, sur une parcelle vierge, il a fallu imaginer un habitat tourné vers la modernité et en même temps un modèle d’intégration face au village médiéval. Les architectes de l’agence ma!ca, sollicitée par les propriétaires ont exclu d’en faire « un manifeste contemporain » préférant « simplement porter la villa dans l’époque dans laquelle nous vivons ». Elles ont écouté le lieu.
Cette villa nous parle de perspective et de moment. Un mas contemporain avec les codes du style de l’agence mais les caractéristiques du tissu ancien : un exercice nouveau et totalement réussi pour l’agence d’architecture.

Les propriétaires souhaitaient des pièces de vie généreuses et une connexion aux éléments. Ici, flotte une impression de sérénité, alors que nous sommes à quelques encablures de Montpellier. Le jardin, les vues vers la nature et le village en « circulade » ont guidé les architectes. Les perspectives ont été soulignées, découpées comme des tableaux.
La génoise est utilisée à bon escient en fonction de la hauteur de la toiture en tuiles. L’oeil de bœuf , largement surdimensionné, détermine l’entrée de la maison. Depuis l’intérieur il cadre le grand paysage. Les volets sont en bois : ils deviennent des éléments décoratifs de la façade. Lorsque le soleil est rasant, les baies sont cintrées et séquencées. Lorsqu’il est chauffant, les baies sont carrées et disparaissent comme « mur rideau ».

Alors que les serrureries reprennent, sans détournement, les codes ultra-classiques d’une architecture rurale, les menuiseries extérieures sont toujours plein cadre, sans découpage.
Pour imager le mas, plusieurs constructions accolées à la maison principale s’intègrent parfaitement dans l’ensemble. Un mazet à l’entrée permet d’accueillir amis et famille en toute indépendance, tandis que plus éloignées, des constructions existantes sont rénovées pour sembler reliées à l’habitation principale. Le projet est une interprétation néo-classique de l’habitat agricole Montferrierain qui se met au service d’une radicale modernité.

À l’intérieur, le lieu de vie de la famille est un plan ouvert et fluide tourné vers le jardin, sa piscine, et au loin, le château. On reconnaît avant tout les idées novatrices et emplies d’élégance de l’agence : les rondeurs, les matériaux nobles comme le bois massif et le fer, le mélange subtil des revêtements muraux, le choix des luminaires.
L’éclectisme des assises et la singularité des lampes viennent dialoguer avec les meubles, le canapé aux lignes affirmées, le tapis coloré, les tables basses. Le geste artisanal se perçoit partout, dans les menuiseries intérieures et la cuisine dessinées et réalisées sur-mesure, dans les fenêtres cintrées, dans l’escalier et sa rampe en volutes, dans l’entrée et son agencement intérieur, dans les salles de bain. Un luxe silencieux qui ne se voit pas mais se ressent.

En extérieur, un bassin avec vue est l’animation centrale du jardin. Des ganivelles et plantations méditerranéennes rythment l’espace. Cette villa intensifie chaque rencontre, avec les éléments, avec la famille. Elle est faite pour réunir et semble avoir toujours existé dans ce paysage méditerranéen.

Qu’est-ce qui rend ce projet exceptionnel selon vous ?
Ce projet est exceptionnel dans la qualité d’usage qu’il propose. L’ensemble des entités bâties s’imbriquent pour faire corps et donner lieu à des volumes à la fois ouverts sur le paysage tout en assurant un confort de vie quotidien à la famille.
Les volumes sont simples mais la lumière naturelle, les cadrages et le choix de matériaux bruts et durables participent à la lecture d’un projet singulier et unique.

Comment le site et la vue sur le château de Montferrier ont-ils guidé votre conception ?
La parcelle vierge qui nous a été léguée est longue et étroite. Cette morphologie, de fait, trace une directive que nous avons naturellement habitée puisqu’elle donnait plein cadre sur le château. Ainsi, le château est perceptible depuis toutes les pièces de la maison : il domine sans écraser. Il culmine tout en créant un « tableau » vivant depuis l’ouvrage.

Quels éléments du mas occitan avez-vous choisi de réinterpréter ?
Le mas Occitan se caractérise tout d’abord par la multiplicité d’entités accolées : c’est ce qui fabrique le plan de cette maison. Ensuite, l’entrée – depuis l’extérieur – est un élément fondamental dans l’écriture du mas : c’est elle qui caractérise l’identité de la famille. Ici, nous avons dessiné une grande porte d’entrée, cintrée, dont la ferronnerie sur-mesure fait office de « blason » familial. L’oeil de bœuf , largement surdimensionné, trône au-dessus de cette porte d’entrée : c’est un élément archétypal des mas historiques.
De même, la mise en oeuvre de volets bois est a priori un élément classique du mas Occitan. Ici, ces derniers sont cintrés et prennent volontairement un aspect décoratif très important. Ils viennent s’inscrire comme des miroirs des menuiseries cintrées en acier conférant un effet contemporain de symétrie.
À l’intérieur, l’ensemble de la menuiserie bois sur-mesure réinterprète les codes classiques du mas. Une grande verrière ornée de verre flûté fait office de séparation entre la cuisine et la salle à manger. Une cheminée vêtue de pierre marbrière prend place au sein d’un grand meuble tout hauteur. Un garde-corps ornemental prend place dans la montée de l’escalier. Enfin, l’utilisation de vieux tissus français finalise l’acte décoratif ancestral.

Comment se structure l’organisation des espaces : intérieur/extérieur, intimité/ouverture, pièces de vie et espaces privés ?
L’organisation des espaces est très simple. Au rez-de-chaussée, se trouve une grande pièce à vivre ouverte naturellement sur le jardin. Cette dernière est bordée d’une grande terrasse, toute en longueur, assurant facilement une vie méditerranéenne dedans/dehors.
Au rez-de-chaussée toujours, l’aile parentale est autonome : elle est matériellement séparée de l’espace de vie par une grande porte toute hauteur qui disparait dans le mur.
À l’étage, il y a ensuite trois chambres et deux bureaux, assurant un confort d’usage pour la vie de la famille.

De quoi êtes-vous les plus fières dans cette réalisation ? Comment ce projet s’inscrit-il dans l’identité et les valeurs de l’agence ma!ca ?
Nous sommes fières d’avoir su répondre à la demande principale de notre client : créer une maison neuve dont les composantes esthétiques soient celles d’une rénovation.
Il a fallu donc réinterpréter l’ensemble des codes du mas sans tomber dans le pastiche ennuyeux.
Comme pour tous nos projets – neufs ou rénovations – au-delà du confort assurément contemporain, nous tentons de trouver un équilibre qui mêle radicalité, modernité et intemporalité. C’est l’ensemble des éléments imbriqués au souhait de nos clients qui permet de fabriquer un projet sur-mesure et identitaire.