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Palais artistique

Sur la plus jolie place de Montpellier, un hôtel particulier du XVIIe siècle affiche l’engagement et le style décomplexé d’un groupe d’hommes amoureux de l’histoire, de l’art et de la gastronomie

Bâtisseurs de projets hors norme, les frères Pourcel accompagnés du groupe Helenis GGL ont invité l’architecte Philippe Prost et l’Atelier de Ricou pour dessiner les lignes du nouvel Hôtel Richer de Belleval. L’Hôtel a ouvert ses portes début juillet après plus de 5 ans de lourds travaux de rénovation et création artistique. Tout au long de ce chantier les architectes ont dialogué avec les artistes pour rénover les vestiges et mettre en scène la structure originelle du bâtiment.

Un chantier unique
C’était au XIIe siècle une colline avec vue sur la garrigue et les hameaux choisie par Guilhem VI pour construire son palais mais c’est véritablement au XVIIe que la Place de la Canourgue est créée. Pierre Richer de Belleval, botaniste émérite, y construit son hôtel particulier racheté par la ville au XIXe pour en faire la mairie. La façade austère avec son portail encadré par un pilastre, les masques et têtes de lions de la corniche supérieure ont survécu au passé. Des rénovations sauvages ont encouragé l’effacement de l’histoire et il faudra le talent et savoir-faire des Ateliers de Ricou pour découvrir des décors remarquables, des bustes d’empereurs romains, « le paradis terrestre » frise décorative murale, des peintures sur voûtes… L’architecte Philippe Prost va créer le lien entre les époques en se servant de l’ossature originelle et réinventer le lieu pour un usage actuel beaucoup plus contemporain. Designer d’ambiance, décorateur, Christian Collot s’est laissé guider par le travail de tous ces acteurs qui ont occupé les lieux pendant plusieurs années. Il s’est souvent promené dans le chantier, entre échafaudages et marteaux piqueurs et il a laissé l’environnement l’inspirer. « C’est un palais où le temps s’est arrêté et j’ai voulu apporter beaucoup de rêve à l’histoire ».

Le palais enchanté
On entre dans le hall bordé de colonnes, la voûte est constellée de cœurs joyeux, colorés (œuvre de Jim Dine) et le patio s’ouvre à nous. Une verrière immense laisse la lumière naturelle entrer à flot, des lustres étincelants semblent se balancer dans l’air, un escalier majestueux grimpe dans les étages, des sculptures anciennes observent les nouveaux visiteurs de ce palais oublié. Mais on vient ici avant tout pour la cuisine et il faut absolument découvrir les salons du restaurant gastronomique des Frères Pourcel. Deux salles voûtées ornées de fresques et dorures reconstituées à l’identique transportent les convives dans ce siècle oublié. Ici histoire et cuisine se rencontrent en grande et belle harmonie. C’est un moment idéal où le décor et l’assiette s’accordent pour notre plus grand bonheur.

On est obligé de boire un premier ou un dernier verre au bar l’Elytre à quelques marches du restaurant. L’œuvre de Jan Fabre vient sublimer le plafond incroyablement élégant avec la mise en scène de l’architecte. On est dans un lieu magique, les milliers d’élytres de scarabée font frissonner le plafond de leurs couleurs irisées, les flacons derrière le bar semblent s’envoler vers les insectes, la Marianne nous observe avec son doux visage de marbre, les bruits de l’extérieur sont amortis par les velours qui ornent les fauteuils, la lumière est feutrée. Avant de découvrir les chambres, on traverse le boudoir, une explosion de couleurs réalisée par la jeune artiste Olympe Racana-Weiler. Entre le Street-art et la peinture abstraite, l’exercice est joyeux, étonnant, entêtant. Christian Collot a réécrit la légende de l’hôtel entre les murs de chaque chambre. Toutes différentes elles racontent chacune une histoire dans des coloris pastel ou forts selon l’étage. Par contre il a adopté l’exercice du monochrome qu’il décline dans les matières, les objets, le mobilier. C’est audacieux mais ça fonctionne, on se laisse porter par l’insolite et l’onirique. Les époques se fondent, les frontières s’effacent et le charme de l’Hôtel opère.

L’Hôtel Richer de Belleval revit au cœur du Montpellier historique et il me semble que quelques jolies pages gastronomiques, artistiques, amoureuses vont pouvoir être écrites dans ce nouvel écrin.

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