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Rencontre avec Élodie Nourrigat, architecte, enseignante et co-fondatrice avec Jacques Brion du Festival des Architectures Vives

Depuis 2006, le Festival des Architectures Vives transforme les cours d’hôtels particuliers de Montpellier en un laboratoire d’expérimentation architecturale à ciel ouvert.

Rencontre avec sa fondatrice, Élodie Nourrigat, qui revient sur deux décennies de passion, de jeunes talents et d’innovation urbaine.

Aux origines d’une aventure créative

Lorsque vous repensez à la toute première édition du Festival des Architectures Vives en 2006, quels étaient vos espoirs et vos intuitions initiales ?

En 2004, Jacques Brion et moi avons été invités à Paris pour faire une intervention lors de l’édition inaugurale d’Architecture Vive, organisée le long du quai de Seine et du canal Saint-Martin. Nous avons été immédiatement séduits par le principe : offrir à de jeunes architectes un terrain d’expérimentation, une scène éphémère où ils pourraient révéler leur créativité autour d’un thème fédérateur.

Très vite, l’envie de transposer cette dynamique dans notre ville d’origine, Montpellier, s’est imposée. Deux ans plus tard, en 2006, naissait donc Architectures Vives Montpellier, en parallèle de l’événement parisien. Nous avons imaginé un dispositif adapté à Montpellier : investir les cours d’hôtels particuliers de l’Écusson. Ces espaces intimes et préservés permettaient non seulement de protéger les œuvres, mais aussi d’accueillir un public familial, déambulant librement poussettes à la main. Cette première édition rassemblait 8 installations, et déjà l’esprit du festival se dessinait.

D’une initiative locale à une référence incontournable

Vingt ans plus tard, le festival est devenu une véritable institution. À quel moment avez-vous senti qu’il prenait cette ampleur ?

Assez rapidement, à vrai dire. Mais les années les plus marquantes s’étendent sans doute de 2013 à 2016. Durant cette période, nous avions deux éditions par an : l’une dans l’Écusson, l’autre en bord de mer, à La Grande-Motte.

Pour des raisons économiques, cette seconde déclinaison a ensuite dû être interrompue, mais elle a profondément contribué à élargir la portée et l’aura du festival.

Y a-t-il une installation, une édition ou une rencontre qui vous a particulièrement marquée ?

Chaque édition est unique, et c’est précisément cette singularité qui constitue notre force. Dès 2007, nous avons recentré le concours sur les jeunes professionnels, en invitant en parallèle une école par édition, ce qui nous a permis d’accueillir des équipes venues des quatre coins du monde : Barcelone, Helsinki,  Japon, Canada, et même des États-Unis – notamment Harvard.

Dès 2015, le festival s’est inscrit dans divers programmes de recherche internationale, ouvrant ses collaborations. J’avais eu la chance d’enseigner aux États-Unis ce qui m’a permis de rencontrer différentes universités américaines que nous avons alors invitées. Leur enthousiasme immédiat a confirmé que le festival pouvait devenir une plateforme internationale d’expression architecturale.

Chaque année, de nouveaux hôtels particuliers s’ouvrent à nous, offrant au festival une couleur, une tonalité renouvelée.

Le festival est souvent perçu comme un véritable tremplin.

Quels sont vos critères de sélection ?

Nous sélectionnons avant tout un projet, pas une équipe. Ce qui prime, c’est la pertinence par rapport au thème, la faisabilité technique, et surtout l’originalité : aucune installation ne doit en rappeler une autre.

Nous réfléchissons également au parcours du visiteur. Le festival s’adresse d’abord au public : il s’agit d’offrir une expérience spatiale et sensible qui permette de parler d’architecture autrement.

Une anecdote m’a particulièrement touchée : un jeune médiateur, alors étudiant en deuxième année d’architecture, m’a confié qu’enfant, ses parents l’emmenaient chaque année découvrir les installations du festival. Est-ce la source de sa vocation ? C’est ce genre de témoignage qui rappelle la portée réelle de notre action.

Comment le public montpelliérain a-t-il accueilli cette relecture contemporaine du patrimoine ?

Nous avons récemment mené une enquête avec la CCI pour mieux cerner notre public : 80 % de nos visiteurs viennent de l’Hérault, et 99% se déclarent satisfaits.

Près de 40 % reviennent chaque année, preuve d’une fidélité remarquable.

Notre meilleure communication reste d’ailleurs le bouche-à-oreille, signe que le festival s’inscrit durablement dans la vie culturelle locale.

Les enjeux environnementaux occupent aujourd’hui une place centrale. Comment se traduisent-ils au sein du FAV ?

Nous avions déjà naturellement adopté certaines pratiques responsables, mais il nous manquait un cadre structuré. C’est pourquoi nous avons établi un partenariat avec Mas Réemploi, afin d’assurer une gestion plus vertueuse des matériaux.

Nous savons désormais d’où proviennent les matériaux, comment ils sont utilisés, et ce qu’ils deviennent ensuite. Les équipes peuvent s’y approvisionner et y retourner leurs matériaux après l’événement. Chaque année, nous évaluons également notre bilan carbone, ainsi que le CO₂ économisé grâce à ces pratiques.

Que représente pour vous cette 20e édition anniversaire ?

C’est une édition véritablement exceptionnelle. Nous avons revu notre règlement : des mentors, architectes ayant déjà participé au FAV, choisiront et accompagneront une équipe tout au long de la conception. Nous organiserons également un cycle de débats et de conférences consacré à l’architecture contemporaine. Et nous révélerons très prochainement le parrain qui accompagnera cette édition symbolique.

Comment conciliez-vous ces trois facettes de votre activité ?

Je travaille avec une équipe formidable au sein de l’agence, et Judith Rossi, notre permanente au Festival des Architectures Vives, codirige l’organisation du festival à nos côtés. Notre agilité est notre force : nous sommes peu nombreux, donc les décisions se prennent vite. J’essaie de compartimenter mes rôles (rires). Lorsque je suis à l’agence, je suis entièrement dédiée aux projets. À l’école d’Architecture, je suis pleinement avec mes étudiants. Et lorsque vient le temps du festival, je m’immerge totalement dans l’organisation. Bien s’entourer et savoir cloisonner ces trois univers est indispensable.

Quel message souhaitez-vous adresser aux architectes, habitants et visiteurs qui ont contribué à cette aventure ?

Le Festival des Architectures Vives est avant tout un projet collectif. Les habitants et propriétaires ouvrent généreusement leurs cours ; les jeunes architectes, parfois venus de très loin, viennent partager leur savoir-faire ; et Montpellier offre son patrimoine comme écrin à ces créations. Les participants étrangers prennent le temps de découvrir la ville et la région : ces échanges humains et culturels sont d’une richesse inestimable.

J’espère sincèrement que cette aventure pourra se poursuivre encore longtemps.

festivaldesarchitecturesvives.com

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