Hors du temps et de la foule, un mas connu du monde entier enchante les papilles et les yeux. Une belle histoire d’hommes amoureux de la table et de la beauté de la nature.
Aux pieds des murs de pierre du village des Baux, au fond du vallon, le Domaine semble endormi au coucher de soleil, un soir d’automne. Des fumées montent dans le ciel pur, les guirlandes de lumières du fameux potager s’allument, et l’éperon rocheux s’enflamme des dernières lueurs du jour.
Pour vivre l’expérience Baumanière, il faut prendre de la hauteur et grimper au village admirer la nuit qui tombe sur les terres du val et ses différentes maisons. Le mystère des ruelles désertes est un instant sublime où pas un son ne vient ternir la poésie des murs de pierres. Les chapelles se dévoilent à la lumière des lampadaires. Depuis le promontoire du château on découvre au loin, les vignes, les champs dans la brume et encore plus loin, la mer qui miroite. Il est temps de redescendre. La nuit est là.
La Maison de Famille, dernière rénovation du Domaine est notre demeure pour cette nuit. Un salon subtilement éclairé découvre des tableaux comme des aquarelles aux couleurs vives, sur la table de bois brut un bouquet d’arbouses et d’olivier, des pommes rouges, jaunes et vertes assorties aux teintes de la décoration chaleureuse. Des objets de bois, des statuettes de papier sur la cheminée, une cuisine dérobée et un escalier étroit qui grimpe vers les chambres. Notre chambre ouverte sur le jardin enchanteur, saule pleureur, platane centenaire, invite au voyage tout en respectant l’histoire. Des suspensions en papier végétal, un plaid moutarde, un large miroir en rotin, de hauts rideaux de lin terracotta, un canapé en velours au pied du lit, table et fauteuil aux lignes contemporaines cohabitent avec objets, ouvrages d’art et les poutres en bois clair du plafond qui rappellent l’histoire de la Maison. Raymond Thuillier, créateur de Baumanière s’est installé dans cette bâtisse en 1958 et toute la famille venait fêter Noël et l’été dans ce lieu bucolique et plein de charme, loin de l’Oustau.
Cette année accompagnées par les équipes d’artisans de Baumanière, Geneviève Charial et Philippine Lemaire, sa belle-fille, architecte d’intérieur et designer, ont entièrement réinventé les chambres et pièces de vie de cette bâtisse. Dans le souhait de créer une identité unique dans chaque chambre, le mobilier contemporain cohabite avec les pièces chinées, les matières se veulent brutes et naturelles ; les couleurs en demi-teintes, des tons, végétaux avec de beaux panachés de vert et la présence de terres cuites, les couleurs de la Provence. Gros coup de cœur pour la salle de bain avec son immense bain de douche couleur brique, sa vasque en marbre veinelée et son miroir aux formes libres : un lieu empreint de douceur et de bien-être.
L’installation dans votre chambre est toute une aventure car il faut traverser les jardins, s’asseoir quelques minutes sur la terrasse sous la noble frondaison de l’érable, écouter le bruit de l’eau de la fontaine, imaginer les cuisines en pleine effervescence à quelques mètres et commencer à humer l’air chargé d’humus et de parfums floraux selon la saison.
Prenez le temps dans votre chambre d’écouter les podcasts des personnages les plus importants du Domaine, les chefs, mais aussi Nathalie et Mathieu, qui vous accueillent et vous expliquent leur métier.
Et puis laissez-vous guider par vos émotions car vous allez vivre une de vos plus belles expériences culinaires. Beaucoup ont écrit, ont décrit les plats, les sensations éprouvées mais tous les goûts sont dans la nature alors ne lisez pas mais vivez ce moment une fois pour mieux comprendre que la cuisine est un art véritable, un tableau jamais terminé, toujours renouvelé. Observez, sentez, émerveillez-vous, souriez, fermez les yeux…
Glenn Viel, nouveau chef depuis 2015 a permis à l’Oustau de retrouver sa troisième étoile et l’on aime le voir déambuler simplement de table en table échanger avec ses convives, ravi de sa nouvelle notoriété apportée par Top Chef, heureux d’éblouir nos palais et de voir nos sourires. Breton d’origine, il aime par-dessus-tout les crustacés et les poissons qu’il a appris à pêcher enfant et dont il connaît les goûts par cœur mais Glenn est surdoué, plein d’imagination et il a appris à dompter l’agneau de lait, le pigeonneau, le bœuf. Les heures passées avec sa brigade sont effacées, il peut enfin savourer son temps et continuer à imaginer des associations de goûts, de couleurs, de saveurs uniques. L’artiste associe à chaque recette des contenants créés avec une céramiste dont l’atelier est aujourd’hui à l’entrée du restaurant.
On aime l’association artistique des mets et des plats, la rugosité d’une assiette, la douceur d’un bol, la finesse d’un verre. On adore mettre les doigts pour déguster la côtelette au jus parfait, rompre le pain et saucer la bisque, la crème, le suc des plats.
C’est un bal parfaitement rodé où serveurs, maître de salle, sommelier se regardent, glissent l’un vers l’autre, s’évitent pour nous offrir un spectacle parfait où nous sommes les rois et les reines. L’Oustau et ses grandes salles voûtées cachent des secrets bien gardés qu’il faut prendre le temps de découvrir.
Enchantés, nous avons prolongé l’aventure culinaire au Cabro d’Or le jour suivant. Après un bain sensoriel au spa, après avoir admiré les Carrières des Lumières où l’art aime à danser sur ces roches immenses, après une longue balade au gré des chemins de terre odorants, nous sommes entrés au Cabro d’Or. Quelle belle surprise car là aussi Michel Hulin connaît parfaitement sa partition aux saveurs provençales et innovantes. J’ai appris « le mélilot », la vanille des champs du sud. Le jeune sommelier nous apprend des vins de sa région et nous offre un accord délicat avec chaque assiette. L’équipe est jeune, sympathique et déjà très savante. La soirée passe vite entre découvertes et éclats de rire.
Notre corps et notre âme remercient ces artistes de tant de savoirs et de délicatesse.
Dans le ciel pur les étoiles brillent, de là-haut Raymond Thuilier peut sourire, son Oustau est sans nul doute un lieu à part où la nature et les hommes ont su s’accorder. Tout a grandi, changé, évolué mais l’âme est toujours bien là…
« L’Oustau est une philosophie : celle du raffinement poussé jusqu’au sublime… »
Fréderic Dard en 1989