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Un temple en bord de mer

Transformation remarquable d’un bien religieux face à la Méditerranée.


Au détour d’une rue, tout proche de la mer, un temple élève fièrement son clocher vers le ciel bleu. C’est la nouvelle réalisation de Marie Orssaud, architecte DPLG, aux idées multiples et à la créativité unique. Marie aime le bois, le béton et les projets avec contraintes. Elle signe ici un bien exceptionnel au charme sans équivoque.


Le salon, étonnant avec sa charpente immense, est habillé de bois massif. Les tables basses, De La Luce, ont trouvé une nouvelle jeunesse dans la
salle principale du temple.

Bonjour Marie, pouvez-vous nous expliquer l’histoire de ce bâtiment ?
Il s’agit de l’ancien temple de Carnon et de son presbytère. Il a été construit dans les années 50. Un pasteur y officiait chaque été. Il venait avec femme et enfants, logeait dans le petit presbytère, et célébrait les offices (culte) pour les protestants en villégiature à Carnon. Dans les années 2010 le culte s’est arrêté et seul le presbytère a été loué à des étudiants protestants. Puis le jardin et le presbytère ont été squattés. L’église protestante unie en Cévennes et Languedoc Roussillon (basée à Nîmes) en était propriétaire et cherchait à le vendre depuis 2010. À l’époque, mon agence d’architecture était installée à Carnon, j’ai visité le temple pour la première fois en 2012 afin de faire une étude de faisabilité. Il y a eu des offres de promoteurs qui voulaient le raser et y faire un immeuble, mais au final, toutes ces ventes ont échoué faute de rentabilité. Nous réalisons avec mon mari que ce bien nous tient à cœur et que nous ne voudrions pas le voir disparaître. Nous nous décidons à faire une proposition et notre offre est acceptée. Le compromis est signé en juin 2018, avec les clauses suspensives d’obtention d’un permis de construire pour changer la destination du temple en maison ou commerce (nous ne savons pas trop encore), et recours des Tiers purgé. Nous devenons propriétaires en décembre 2019, avec toutes les autorisations et commençons les travaux dans la foulée, avec pour objectif de louer le temple et le presbytère dès le mois de juin 2020.

Un Vélux permet à la lumière naturelle d’inonder la jolie cuisine Porto Venere où une table de bois brut attend ses invités. Le meuble vaisselier a
été dessiné par Marie et Gilles. On peut apercevoir les claustras en céramique de Ceramica A Mano Aljada qui laisse doucement filtrer les rayons
du soleil.

Quelles ont été les contraintes principales ?
Le temple était petit (à peine 70 m2 au sol) et très étroit, ce qui complexifiait son aménagement mais j’ai trouvé la solution : créer une distribution par le milieu, depuis sa façade Est, ça a tout débloqué! Nous avons réalisé un plancher pour positionner l’espace de vie à l’étage afin de profiter du volume sous les arches en béton et de laisser entrer la lumière. Nous avons démoli la travée centrale de la façade Est pour réaliser l’entrée et créer au dessus une terrasse qui la protège. À l’étage, la terrasse se déploie entre les arches, suspendue au dessus de l’étroit passage qui longe la façade, et accentue l’apport de lumière comme un patio pourrait le faire. Nous avons également démoli l’ancien cœur, afin de redonner de l’espace au jardin entre le temple et le presbytère.


Quels sont les éléments d’origine qui ont pu être conservés ?
La façade n’a pas été transformée, certes des ouvertures ont été créées mais l’architecture n’a pas été modifiée. Au sud une ouverture a été créée mais sans casser la composition de l’ensemble. J’ai voulu conserver un maximum d’éléments anciens comme la croix en terre cuite et la cloche qui a été rénovée par un serrurier. Au rez-de-chaussée, nous avons conservé et rénové nous-mêmes l’ancien granito.

Comment avez-vous imaginé l’architecture intérieure et décoration ?
J’ai voulu créer une ambiance “maison de vacances” au bord de la mer. Le bois blanc est le fil directeur du projet intérieur. Les solives et la volige en sous-faces du premier étage sont peintes en blanc. À l’étage, telle une cabane de plage, la boîte qui cache le local technique et les toilettes est en bois et j’ai adossé côté cuisine un vaisselier ouvert en bois blanc. La lumière inonde chaque pièce, y compris les salles de bains. En effet j’ai positionné sur le palier intermédiaire de l’escalier des vitrages translucides qui captent la lumière du Vélux de l’escalier. Le mobilier provient de la réserve familiale comme le vaisselier, le bureau années 50 de ma grand-mère, le pupitre et la commode dans les chambres. La nasse transformée en suspension est celle d’un pêcheur de Centuri en Corse. Les tables basses achetées il y a quelques années chez De La Luce ont été repeintes pour trouver leur place ici. On a aussi chiné les appliques vintage jaunes, les suspensions de la cuisine, les chaises de la cuisine et du bureau. Nous avons également réalisé les garde-corps du séjour à l’aide de simples cordages blancs. Les suspensions de la Suite avec fil et plomb de pêche sont une création personnelle. Mon papa a fabriqué en corde toutes les boules en nœud de marin pour les portes de placard.

Comment avez-vous conçu le jardin ?
Le jardin a été totalement réorganisé et nous y avons largement contribué tous les week-ends d’avril et mai, pandémie de Covid oblige. Les nouveaux volets ont été peints en jaune, teinte que l’on retrouve sur le mobilier de la terrasse. Nous avons extrait du sol au râteau des tonnes de cailloux et gravats pour les remplacer par de la terre végétale. Nous avons ensuite créé des cheminements en traverses de chêne, posés sur un lit de sable et un jardin de plage, avec des essences méditerranéennes. Les ganivelles serpentent le long du passage et animent sa linéarité tout en habillant le mur mitoyen. Enfin notre plombier a réalisé les douches en cuivre pour le plus grand bonheur des enfants au retour de plage.


Quels sont les éléments forts de cette transformation ? Nous avons vraiment tenu à préserver le Temple, c’était important pour nous de conserver ce lieu qui fait partie de l’histoire de Carnon. Par contre à l’intérieur, on se sent comme dans une vraie maison, c’était vraiment l’exercice : « habiter le temple ». Gilles, mon mari, étant charpentier, les murs du parvis de l’entrée et de la terrasse ont été réalisés en ossature bois. Son entreprise a réalisé les planchers, refait l’ensemble des toitures, les différentes terrasses. Nous avons dû créer un garage bardé en tasseaux bois qui s’inscrit dans le reste de la clôture sur l’avenue. Le temple est aujourd’hui à la location pour des vacances « différentes » en bord de plage. Le lieu est étonnant, apaisant, à vous de le découvrir.


Architecte : Marie Orssaud
marieorssaudarchitecture.com
À louer sur www.airbnb.fr (44304453)


Texte : Isabelle Aubailly • Photos : Juliana de Giacomi

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